Objectif paysages
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Pour responsabiliser les décideurs locaux sur l’application de la convention européenne du paysage, les Etats membres du conseil de l’Europe se prononceront avant la fin de cette année sur un projet de charte. Sous le titre « Paysage et responsabilité des acteurs pour un développement durable et harmonieux », l’agronome et urbaniste Régis Ambroise, ancien chargé de mission paysage au ministère de l’Agriculture, a remis le 26 mai à l’institution basée à Strasbourg un rapport qui inspire ce projet. La France s’associe à la démarche, comme l’a montré le 7 septembre le ministère de la Transition écologique au cours d’une matinée intitulée Paysages Horizon 2030.
Avec la vision d’une « cité jardin du XXIème siècle » portée par son président Christophe Degruelle, l’agglomération de Blois a donné le ton de la journée « Paysages Horizon 2030 », le 7 septembre : le ministère de la Transition écologique a marqué par cet événement le double anniversaire des 15 ans de la ratification de la convention européenne du paysage par la France, et les 6 ans de l’agenda 2030 des Nations unies, qui décline les 17 objectifs de développement durable (ODD) de la communauté internationale. La réunion des deux porte un message clair : « Le paysage ouvre la clé des transitions », a résumé Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale de l’aménagement, du logement et de la nature, en ouverture des débats.
« Je me souviens de l’étonnement manifesté par le dirigeant d’une enseigne, lors d’une des premières sorties de notre observatoire photographique du paysage dans une zone commerciale. Cette réaction résume le défi : travailler non seulement à l’entretien de l’exceptionnel que nous connaissons bien dans la vallée de la Loire inscrite au patrimoine mondial, mais aussi à l’embellissement du cadre de vie du quotidien », développe le président d’Agglopolys. Banal et extraordinaire, culturel et naturel, matériel et « perçu par les populations » : l’universalité du paysage posé par l’article 1 de la convention européenne fonde la vision blésienne, entretenue depuis 2013 par un plan fondateur, lauréat du premier appel à projets du ministère de la Transition écologique sur la planification paysagère.
Parmi d’autres collectivités pionnières, la communauté de communes Vosges côté sud-ouest (60 communes, 12500 habitants) s’est convertie à la cause à la suite d’un accident météorologique : « La tempête de 1999 nous a poussés à élaborer un plan paysage, pour rouvrir nos vallées enrésinées, mettre fin à la disparition des haies et à la ruine de notre patrimoine Renaissance », rappelle son président Alain Roussel, qui présidait alors la communauté de communes de la Saône vosgienne. En 2017, la fusion de trois intercommunalités a élargi le périmètre, sans remettre en cause l’esprit, aiguisé au contraire par un ferme engagement de sobriété foncière : après avoir obtenu la suppression des aides aux lotissements comme conseiller départemental, Alain Roussel enfonce le clou pédagogique. « Dans un bassin de population qui rassemble 17 habitants par km2, de nombreux maires veulent encore construire à l’extérieur des villages. J’organise à leur intention les Ruine Tours, pour mettre le doigt sur les maisons réhabilitables ou les espaces reconvertibles dans les cœurs de villages déjà équipés en réseaux », insiste le président des Vosges côté sud-ouest.
A Niort (Deux-Sèvres), les 17 ODD de l’Onu ont servi de catalyseur du changement de paradigme : « Tous les élus ont suivi des séminaires pour traduire notre agenda 2030 dans leur délégation », témoigne l’adjoint au maire chargé du développement durable, Thibault Hébrard. L’aménagement de la friche industrielle de Port Boinot, sous la maîtrise d’œuvre de l’agence de paysage Phytolab, illustre les vertus d’une approche transversale : de la gare comme de la place de la Brèche, les axes de liaison forment autant de corridors écologiques qui convergent vers le site emblématique d’un urbanisme vert, à la jonction entre la ville et le marais poitevin.
Souvent motrices, les collectivités ne détiennent pas pour autant le monopole de la planification locale paysagère, comme en témoigne un autre trait d’union : entre la Camargue et la Provence, les vignerons des Costières de Nîmes (Gard) animent depuis 20 ans une charte paysagère désormais transcrite dans le plan local d’urbanisme des 24 communes de l’appellation. « Les 30 % d’exploitations certifiées bio témoignent de la convergence entre le beau et le bon », remarque Aurélie Pujol, directrice du syndicat viticole. Toujours dans le Gard, la force de l’approche paysagère se manifeste également autour d’Aramon, confrontée à la reconversion de l’ancienne centrale à charbon : « Le paysage a fédéré le cluster CleanTech Vallée. Face aux conflits d’intérêts inhérents à la pression urbaine et à la volonté d’exploiter le potentiel du vent et du soleil, l’intervention de Joris Masafont nous aide à ouvrir un nouvel avenir sans abîmer le territoire », s’enthousiasme Sophie Rochas, coordinatrice du contrat de transition écologique.
Le jeune paysagiste missionné par le cluster a fondé sa vision sur l’élargissement de l’échelle : « des rives du Rhône au pont du Gard, la mise en récit du territoire renvoie à Yves Lacoste, pour qui « la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre ». Le paysage développe un plan de bataille », éclaire Joris Malafont, qui exploite ce travail pour alimenter une thèse sur la transition énergétique.* Du projet de territoire à la petite échelle, Paysages horizon 2030 établit le lien à travers une cour d’école de Libourne (Gironde), transformée en « jardin forêt » par l’agence de paysage Clap : « Nous avons questionné la commande municipale qui portait sur une pergola. Tout en traitant de la question de l’atténuation de la chaleur, notre intervention a élargi les fonctions à l’ouverture sur la nature et à l’initiation à la botanique. Elle a répondu aux attentes formulées par les équipes d’encadrement périscolaire », commente le paysagiste Florian Bonino. Le projet a valu à Clap le prix « Participation » du premier palmarès de la fédération française du paysage, au début 2021.
Tous les exemples développés lors de la journée nationale des paysages du ministère de la Transition écologique apportent de l’eau au moulin de Régis Ambroise. Le plaidoyer de l’auteur du rapport « Paysages et responsabilités », remis le 26 mai au conseil de l’Europe, tient en quatre points clé : partir des spécificités de chaque territoire ; associer la population aux projets ; développer leur multifonctionnalité ; et enfin, promouvoir la beauté. « J’ai tenu à associer le durable et l’harmonieux. L’exigence de qualité spatiale doit s’imposer au débat entre aménageurs et habitants », insiste l’urbaniste et agronome, membre fondateur et ancien président de l’association Collectif des paysages de l’après-pétrole.
Son ambition répond à une exigence récurrente du conseil de l’Europe, défenseur des droits de l’homme et de la démocratie : « Aux trois piliers du développement durable traduits dans les ODD de l’Onu, le conseil de l’Europe ajoute la culture », se plaît à rappeler Maguelonne Dejeant-Pons, secrétaire exécutive de la convention européenne du paysage.Dans ce quatrième pilier qui complète le social, l’environnemental et l’économique, elle voit une clé pour réussir les transitions : « Au lieu de partir des obligations, encourageons la création, l’inventivité et les acteurs des territoires », plaide la secrétaire exécutive. En ouvrant depuis le 1er juillet la signature de la convention européenne du paysage à tous les pays du monde, l’institution strasbourgeoise a exprimé l’universalité de son appel aux décideurs locaux.
Source Le Moniteur - Laurent Miguet, le 08/09/2021
Découvrez l'article consacré à la Journée nationale des Paysages Horizon 2030 sur le site Le Moniteur
