Champ d'éoliennes dans le Thoursais (Vienne), un des premiers territoires français engagés dans la planification paysagère et énergétique. - © Laurent Miguet

Le séminaire Plans de paysage s'est tenu le 14 décembre. À cette occasion, les 22 lauréats ont pu présenter leurs projets, 6 dans le volet "transition énergétique" et 16 dans le volet "généraliste".

Laurent Miguet, publié dans Le Moniteur le 15/12/2021

La méthode paysagère franchit un cap dans la planification énergétique locale. Confrontés à l’impact visuel des énergies renouvelables, six territoires ont choisi cette voie, parmi les 22 lauréats de l’appel à projets annuel de l’Etat consacré aux plans de paysage, réunis le 14 décembre en séminaire technique. L’agence de la Transition écologique (Ademe) ambitionne de structurer un réseau.

Cernée de toute part par des projets d’éoliennes, la commune de Silfiac (Morbihan) se distingue comme le plus petit des 22 lauréats de l’appel à projets annuel consacré aux plans de paysage par le ministère de la Transition écologique (MTE), qui les a réunis en séminaire technique le 14 décembre à Paris La Défense.

Irréductibles morbihannais

Le plus petit, mais non le moins déterminé : « Les projets lancés avant notre arrivée ont souffert d’un manque d’accompagnement. Ils s’ajoutent aux quatre éoliennes déjà installées au nord-est du village, et à deux autres situés dans la commune voisine, à l’ouest », décrit Olivier Constant, maire du village de 462 habitants depuis mai 2020.

Le long de la frontière avec la commune voisine du sud et à proximité d’un chapelet de hameaux très peuplés, la volonté de passage en force d’un nouveau développeur, qui veut planter six mâts, a joué le rôle de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’enjeu immédiat s’ajoute aux incertitudes de l’avenir, compte tenu de l’exposition exceptionnelle de la commune du massif armoricain, qui culmine à 272 m d’altitude.

Utilité publique

Aux confins du Morbihan et des Côtes-d’Armor et à l’intersection de trois communautés de communes, la géographie administrative incite les habitants à prendre en main leur destin, à la faveur d’une culture locale vivace : « Sous l’impulsion de mon prédécesseur, la commune s’est engagée de longue date dans la transition écologique », témoigne Olivier Constant.

Tous ces ingrédients ont poussé au choix de la planification paysagère et participative. Une délibération demandant un moratoire sur le projet en instance a accompagné le lancement de la démarche, dont le maire résume l’esprit : « Reprenons la main avec un outil raisonné, solide et concerté ». Le passage à l’acte a commencé par des sorties sur le terrain qui ont conforté l’élu : « Les participants ont prouvé leur capacité à dépasser leur problématique individuelle pour produire un travail d’utilité publique ». L’effet réseau issu de l’appel à projets annuel du ministère de la Transition écologique renforce la puissance de la démarche.

Stimuler l’adhésion

Atypique par  son périmètre communal, le plan paysage de Silfiac n’en reflète pas moins la tendance dominante parmi les six lauréats de la seconde promotion de plans de paysage accompagnés par l’Agence de la transition écologique (Ademe) : tout comme le village morbihannais, les deux communautés de communes, les deux agglomérations et la communauté urbaine d’Alençon (Orne) veulent maîtriser les impacts paysagers de la transition énergétique.

Ces démarches locales faciliteront-elles l’acceptabilité des objectifs nationaux de la programmation pluriannuelle de l’énergie ? L’évolution des capacités programmées entre 2020 et 2028 éclaire la question : « Doublement pour l’éolien, quadruplement pour le photovoltaïque, multiplication par six à dix pour le méthane, et par 1,4 pour la biomasse », rappelle Paul Franc, ingénieur au réseau Energies renouvelables de l’Ademe, associé depuis l’an dernier à l’appel à projets annuel du MTE.

Maîtriser l’agrivoltaïque

Franchir l’obstacle de l’acceptabilité se révèle d’autant plus délicat que « contrairement aux fossiles caractérisées par une production dense et souvent hors de France, les énergies renouvelables se voient », souligne Jérôme Mousset, directeur de la bio-économie et des énergies renouvelables à l’Ademe, avant d’enfoncer le clou : « La transition énergétique suppose l’adhésion de tous les citoyens. La démarche paysagère y contribue ».

A côté des éoliennes, l’agrivoltaïque figure parmi les points durs révélés par les lauréats de 2021 engagés dans la planification énergétique paysagère : « Nous voulons accompagner le développement de ces deux sources d’énergie, plutôt que le subir », proclame Gisèle Jean, vice-présidente de la communauté de communes Vienne et Gartempe (Vienne, 41 000 habitants, 55 communes), aux confins du bassin parisien et du Massif central.

Limiter les impacts

L’écho de cette aspiration résonne jusque dans le territoire de Durance Lubéron Agglomération (Alpes-de-Haute-Provence et Var, 25 communes, 62 000 habitants) : « Les opérateurs photovoltaïques s’implantent de façon anarchique. Nous avons besoin de maîtriser une méthodologie d’identification des sites de moindre impact, y compris pour la production d’hydrogène vert par électrolyse », insiste Aurélie Breissac, chargée de mission.

Grâce à l’assistance de France Nature Environnement, le plan mettra à égalité les critères du paysage et de la biodiversité, à l’issue d’une concertation pour laquelle la collectivité a sollicité les conseils et le soutien de la commission nationale du débat public.

De l’identité à la personnalité

Qu’ils viennent à la planification paysagère par l’énergie ou par le projet de territoire généraliste, les 22 lauréats de 2021 se trouvent souvent confrontés à la question identitaire : un enjeu crucial surtout pour les jeunes communautés très présentes dans l’échantillon, souvent issues de plusieurs fusions successives consécutives à l’élargissement des périmètres intercommunaux, mais aussi pour les territoires ruraux confrontés à l'afflux de nouvelles populations.

Directeur de la chaire Paysage et Energie de l’école nationale supérieure du paysage de Versailles (ENSPV), Bertrand Folléa propose une lecture dynamique de la question : « Je préfère parler de personnalité. Dans les frontières poreuses entre l’inné et l’acquis, la personnalité se construit tous les jours, à partir des héritages naturel et culturel », développe le paysagiste de la transition, membre du collectif des paysages de l’après-pétrole et maître d'oeuvre du plan de paysage métropolitain d'Aix-Marseille-Provence Métropole, lauréate de l'appel à projets 2021 et plus grande collectivité issue de cette sélection depuis son lancement en 2013.

Alignement des étoiles

Après le séminaire du 14 décembre, le stimulant énergétique continuera à nourrir la planification paysagère dans les mois à venir, à la faveur du renouvellement de la convention triennale qui associe l’ENSPV à l’Ademe depuis 2018 : les deux partenaires annoncent la publication d’un imagier de la transition énergétique en mars 2022, puis celle d’un guide des « bonnes et mauvaises pratiques de démarches paysagères », issu de l’analyse de 16 expériences locales.

L’alignement des étoiles profite enfin de la loi Climat et Résilience, comme l’a souligné Vincent Montrieux, sous-directeur de la qualité du cadre de vie à la direction générale de l’aménagement et de la nature du MTE, en clôturant le séminaire du 14 décembre : « L’évolution des documents d’urbanisme fédère vos projets. Cela tombe bien: avec les échéances posées par la loi pour mettre la planification locale en cohérence avec l’objectif Zéro artificialisation nette, l’urbanisme mettra en musique vos réflexions paysagères »…